TARIQA TIDJANIA

LA TARIQA TIDJANIA

  1.        Le tassawuf ou soufisme

 La tariqa tidjania est la voie par excellence de la miséricorde divine. Elle est la quintessence du tassawuf (soufisme) ; ce dernier pouvant être défini comme l’intériorisation vécue de l’islam, la pratique à la perfection autant exotérique qu’ésotérique de l’islam. Le soufisme est la voie qui permet d’atteindre le troisième degré de l’islam qui est l’Ihsan, la perfection dans l’adoration. Il est une méthode de perfectionnement intérieur et d’ascension spirituelle basée sur la passion d’Allah et le renoncement au monde à travers l’exécution de la loi révélée, méditée, intériorisée et expérimentée. Notre vénéré maître Cheikh Sidi Ahmad Tidjani (Allah l’agrée, protège et sanctifie son précieux secret) nous l’enseigne dans l’œuvre rédigée par l’illustre Alem Ali Harazem Berrada, intitulée Jawahir Al-Mâni : « Le soufisme n’est que la quintessence de l’application des règles de la charia par le serviteur, à condition que son œuvre soit exempte de faille et d’intérêts personnels. »

                L’imam Malik dit que la science ne consiste pas à mémoriser le savoir livresque mais c’est au contraire une lumière qu’Allah dépose dans le cœur du serviteur. Le tassawuf (soufisme) est ainsi un ensemble de pratiques qui tire sa substance du Coran et de l’exemple du Prophète (PSL), des véridiques et des awliya (saints, amis d’Allah) qui sont les véritables héritiers  d’une manière exotérique et ésotérique. Il est constitué de différentes turuq (pluriel de tariqa), qui mènent tous à la perfection dans l’adoration, à la connaissance divine (ma’rifat), conformément à la parole divine disant de connaître Allah avant de l’adorer, nulle adoration n’étant possible dans l’ignorance d’Allah. Ces différentes voies ont des leaders, des serviteurs d’Allah qui sont parvenus à la perfection de sorte à pouvoir y conduire leurs disciples. Parvenir à la perfection requiert une discipline rigoureuse consistant à se soumettre au Cheikh à l’image de tous les fidèles compagnons du Prophète qui lui étaient inconditionnellement soumis, lui dont le noble Coran affirme qu’il le meilleur exemple et une miséricorde pour toute l’existence. Cette soumission directive est bien légitime vu que les dépositaires des différentes turuq (voies) sont les héritiers du Prophète car toutes les turuq ont une chaîne d’initiation spirituelle qui remonte à lui.

2.   La tidjania

 La tariqa tidjania est une voie qui mène à la perfection de l’âme donc de l’adoration d’Allah. Elle est conforme au verset coranique qui dit qu’a réussi celui qui purifie son âme car celle-ci est instigatrice de mal (Coran : sourate 12, verset 53). La tariqa éduque et purifie l’âme de ses maladies : la colère, l’orgueil, l’hypocrisie, la jalousie, la calomnie, l’estime incongrue de soi, l’adoration des passions divinisées (taghu)... Elle libère le musulman de l’emprise de l’ego qui corrompt ses actes d’adoration en les entachant d’intérêts égoïstes. Elle lui fait grâce de la sincérité qui consiste pour lui à n’accomplir un acte qu’en vue de la satisfaction et la face d’Allah. Une fois l’âme purifiée, l’adoration d’Allah pourra être parfaite c’est-à-dire qu’elle sera la manifestation du troisième degré de l’islam qui est l’Ihsan (adorer Allah, comme si l’on le voyait).

La tariqa a pour but de faire retrouver à l’âme son statut originel : l’état de perfection dans lequel Allah l’a façonné avant de lui inspirer l’immoralité. Elle la voie vers cet état qu’Allah décrit dans le Coran (sourate 89, versets 27-30) : « Ô toi âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée ; entre donc parmi mes serviteurs, et entre dans mon paradis ». De toutes les turuq (voies) authentiques, la tariqa tidjania est celle qui occupe la place la plus élevée ainsi que l’est l’islam vis-à-vis des autres religions. Son grand maître, Cheikh Ahmad Tidjani (RA) est aux autres saints ce que le prophète Muhammad (PSL) est aux autres prophètes. Cette place lui fut confirmée par le Prophète à l’état d’éveil. Il fut informé également par le Prophète que sa tariqa est la propriété de ce dernier et son disciple, disciple de ce dernier. Le Prophète lui donna le wird (les oraisons) de la tariqa après lui avoir fait abandonner toutes les turuq auxquelles qu’il adhérât. Ce fut en 1196 de l’hégire (1781-1782 ap. JC).

 Le wird est composé essentiellement de l’istigfar (la demande de pardon à Allah),  de la salat an-nabi (prière sur le Prophète) et du tahlil (la proclamation de l’unicité divine). En plus de ces composantes majeures, nous avons d’autres dhikrs tous tirés du Coran et de la sunna du Prophète (PSL) comme les noms d’Allah, Ses attributs et des versets coraniques.

 

3.       Cheikh Ahmad Tidjani

                            Le fondateur de la tariqa tidjania, Sidi Ahmed Ben Mohammed Ben El Mokhtar Ben Salem-et-Tidjani est né à Aïnoumady, une petite ville d’Algérie,  en l’an 1150 de l’hégire (1737-1738 ap. JC). Il décéda à Fès, au Maroc le jeudi 17 chawal en 1815 ap. JC, après la prière de soubh. Il fut enterré le jour même à Fès, où il repose encore dans sa zawiya (mosquée), qui porte son nom. Son père, Sidi Mohammed Ben El Mokhtar-et-Tidjani, était un homme instruit et très distingué. Son honorable mère Djabil Aïchatou, fille de As-seydi Abi Abdilahi, était issue de l’ethnie algérienne tidjanatou.  Sa généalogie remonte à Hassan, fils de l’honorable Fatima (RA) fille du Prophète (PSL) et de l’illustre compagnon et cousin du Prophète, Ali Ibn Mutalib (RA). Cheikh Ahmad Tidjani est donc un « chérif » authentique (c'est-à-dire un descendant du Muhammad (PSL) par le sang). Cheikh Ahmad Tidjani dit : « J’ai demandé au prophète de l’islam si j’étais réellement de lui. Il m’en donna l’assurance en confirmant trois fois de suite : "tu es mon fils ! Tu es mon fils ! En vérité tu es mon fils ! " »

 Cheikh Ahmad Tidjani se fit remarquer très tôt par son intelligence et sa piété hors du commun. Avant même qu’il n’atteignît l’âge de puberté, son savoir, sa modestie et ses vertus l’avaient fait remarquer et le faisaient citer comme exemple. Après s’être successivement affilié à différentes voies spirituelles comme la qadriyya, la nassiriya et la khalwatiyya, sans obtenir l’illumination (fath) recherchée ; Cheikh Ahmad Tidjani se retira dans le village de Abi Sam’Hone (oasis situé dans le sahara au sud de Geryville) où il vécu dans l’isolement, pratiquant la contemplation et le dhikr jusqu’à ce qu’il vit en 1196 de l’hégire (1781-1782 ap. JC) le Prophète Muhammad (PSL) à l’état de veille. Celui-ci lui ordonna d’abandonner toutes les voies qu’il avait suivi jusqu’alors : « Je suis ton initiateur, ton maître, aucun être humain ne prétendra être ton initiateur. Il faut, en conséquence, abandonner toutes les voies auxquelles tu étais affilié précédemment. » Il ajouta : « Personne n’aura de reproche à te faire, car c’est moi qui serai ton intermédiaire auprès d’Allah(ESI) et aussi ton auxiliaire ».

Après lui avoir demandé de recevoir la charge de khalife du messager d’Allah, il lui dicta le wird ainsi que les idées maîtresses de la nouvelle voie en ces termes : « Maintiens cette tariqa sans te retirer du monde ni rompre avec le commerce des hommes jusqu’à ce que tu atteignes la station spirituelle qui t’est promise ; tout en gardant ton état, sans grande gêne ni effort cultuel excessif ; passe toi de tous les saints. » Cheikh reçut la permission du Prophète de donner ce Wird à tous ceux qui le demanderaient, hommes comme femmes. Après son initiation, il gravit rapidement les échelons qui le mènent vers le Très Haut. Son ascension spirituelle fut couronnée d’un titre qui n’avait jamais été décerné à un saint auparavant et qui ne le sera jamais plus après lui : il est au-dessus de tous les saints de tous les temps. Reflet authentique de l’Envoyé d’Allah (PSL), il est pour ses pairs ce que le Prophète est pour ses homologues. Autant les compagnons et les disciples du Prophète de l’islam constituent la meilleure communauté de tous les temps, autant les compagnons et les disciples du fondateur de la tidjania forment la meilleure communauté de leurs sociétés.   En l’an 1214 de l’hégire (1799 ap. JC), Cheikh Ahmad Tidjani atteignit la station de « Khoutbanyatul-usma ». Le 18e jour du mois suivant (safar), il fut hissé au grade suprême que le Très Haut lui a réservé de toute éternité et qui couronne ses efforts : le « makhama Khatmiya » ou « khatmiya » (stade qui clôt la sainteté, sommet de la pyramide des saints de tous les temps). Ce degré sera confirmé le jour du juge                                                                                                                                                                                                                                                                                           dernier par une voie mystérieuse qui clamera : « Voici celui qui, de toute l’éternité vous inspirait les connaissances, les lumières et la puissance que le Seigneur Très Haut vous destinait. Il les recevait des prophètes et les distribuait aux saints pour vivifier leur esprit et guider leurs actions. »

 Pour indiquer qu’il est le seigneur de saints, Cheikh Ahmad Tidjani a utilisé à l’instar de Abd-el-Qâdri Jilâni, la métaphore suivante : « Mes deux pieds sont sur les épaules de tous les saints, depuis Adam jusqu’au jour du jugement dernier. » Muhammad Ghâli rapporte que Cheikh Ahmad Tidjani l’avait fait appelé un jour et lui avait dit : « Mes deux pieds que voici sont sur la nuque de chaque wali (saint) d’Allah.» Muhammad Ghâli lui dit : « Mon seigneur, est-ce que tu jouis de ton esprit, est-ce que tu es là, ou bien serais-tu ivre dans l’anéantissement (al fanâ) ? ».  Le Cheikh lui répondit : « Je jouis de mon intelligence, grâce en soit rendu à Allah. » Mohammad Ghâli d’ajouter : « Que penses-tu de mon Seigneur Abd-el-Qadr Jilâni qui disait : "Mes deux pieds que voici sont sur la nuque de chaque wali d’Allah" ? » Cheikh Ahmad Tidjane reprit : « Il avait parfaitement raison, mais cela n’était valable que pour les wali de son époque ; en ce qui me concerne, je dis que mes deux pieds que voici n’ont jamais cessé d’être sur la nuque de chaque wali. »

 Cheikh  tient de l’Envoyé d’Allah (PSL) l’assurance qu’il est le  Khoutboul maktoûb, le khâtimou Mahmadiyi-al-mahlômi, la source de la lumière qui fait les saints quel que soit le degré (djalâliyati ou djamâliyati) . Il est le sceau de la sainteté (Khatimou awliyâ). Il tient également de Muhammad l’Envoyé d’allah (PSL) que son esprit et celui du Prophète sont unis comme deux doigts de la même main ; que tous les akhetab, les arifines bi lâhi et les saints passent par lui ; que tous ceux qui l’aiment sont aimés du Prophète ; que ses vrais disciples sont les disciples du Prophète ; que ses disciples seront préservés du feu de l’Enfer. Point de degré (djalaliyati ou djamaliyati) ne provient du Prophète sans passer par lui.